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Festival 2006
Le Manuel d’écriture d’Hubert Haddad - « Le Nouveau magasin d’écriture » Zulma éditions, un gros bouquin inclassable, à la fois anthologie personnelle, recueil d’aphorismes, collection d’essais subjectifs (sur la poésie par exemple, le surréalisme et l’Oulipo, deux des sources majeures de son travail), traité de théorie littéraire, mais aussi manuel pratique d’écriture fondé sur l’expérience des ateliers dont il fût, depuis le début des années quatre-vingt, l’un des pionniers en France.
« Du cahier au carnet - quaterni, quaterno, quaer - l’étymologie nous plie longtemps en quatre, avant d’abandonner le mot et la chose à la libre singularité de l’usage, quelque part entre calepin, livret, mémento, registre, répertoire. "Petit cahier de poche destiné à recevoir des notes, des renseignements", nous explique succinctement le Robert, il implique instabilité, secret, pérégrination. Le carnet accompagne l’observateur mieux que ces capteurs de photons ou d’ondes sonores qui ressemblent à des armes ; pacifique, il témoigne aussi du retrait, de la solitude postulée. En compagnie des portefeuille, agenda et passeport, transitant entre poche-revolver, sac à main et table de nuit, il se fond peu à peu à l’intimité de la paume et du sein, pénétré de chaleur corporelle, essentiel à cette impermanence brouillonne de l’identité entre mémoire et désirs, oubli et retrouvailles. Racorni et lissé par les jours, comme l’intérieur d’un soulier, il surprend néanmoins son maître par la fraîcheur neuve des pages desserrées, par la pertinence décalée des mots, des croquis et autres signes datés d’une autre vie. Plus qu’aucun ustensile, devenu presque sujet à force d’échange amoureux, le carnet accuse la discontinuité de l’être et du temps par ce qu’il a pu arracher à notre insu de parcelles d’existence hétérogènes. Il témoigne surtout du cheminement plastique d’une subjectivité, manière d’œuvre palimpseste totale bien que minimale. Plus encore lien caché, matériau interstitiel, laboratoire de poche, relation vivante entre les œuvres soudain exposées, éditées ou bâties, le carnet tisse dans l’ombre les entrelacs subconscients de l’imaginaire ou combine les formules provisoires d’une quête indéfinie. Mis bout à bout, tous les carnets d’une vie de recherche, qu’elle soit déclarée ou anonyme, auraient sans doute la vertu magique de restitution d’une existence, traces d’un destin rêvé, du point de vue des entrailles, comme une façon d’écorché spirituel en état miraculeux de reviviscence. Mais le carnet, au service buté d’un projet, oublie souvent ce dernier en chemin pour faire œuvre isolément, de l’espèce la plus fragile : éphéméride du songe où s’élabore la partition pour une main seule du temps jalousement perdu. » (H. Haddad)